Ça chauffe pour Trump

Publié le 17 mai 2017 Mis à jour le 27 août 2017

Cette présidence n’est décidément pas comme les autres. La communication chaotique de l’administration Trump place le Président des Etats-Unis dans une situation très délicate. Alors que ses supposés liens avec des officiels russes sont dans le viseur des services de renseignement américains, l’extravagant milliardaire a décidé de limoger le directeur du FBI, James Comey. Un geste vu par plusieurs responsables de tous bords comme une tentative de freiner l’enquête menée par le renseignement américain.

Un feuilleton aux multiples rebondissements

Lundi 10 mai, c’est par une lettre que Trump a décidé de limoger le directeur du FBI, James Comey, l’un des responsables les plus respectés des Etats-Unis et nommé pour 10 ans en 2013. Une décision officiellement motivée par un mémo du ministre de la Justice adjoint lequel fustige le travail de Comey sur l’affaire des emails envoyés par Hillary Clinton via un serveur privé alors qu’elle était à la tête de la diplomatie américaine.
C’est sans compter la perspicacité des médias américains et des responsables démocrates qui y voient essentiellement une manœuvre politique destinée à enrayer les investigations dirigées par le FBI et d’autres services du renseignement sur une autre affaire tout aussi sensible : les liens supposés entre des officiels russes et des membres de l’équipe de Trump lors de la campagne pour le bureau ovale.
Cette actualité n’est que l’un des épisodes d’un long feuilleton qui a connu de multiples rebondissements depuis juin 2016. En effet, au cœur de l’été et trois jours avant la convention démocrate, un piratage massif des données du Comité National Démocrate dévoile 20 000 messages privés dont le contenu révèle le mépris des responsables du parti à l’encontre de l’ancien rival d’Hillary Clinton à la primaire démocrate, Bernie Sanders. Cette attaque informatique serait, selon l’état-major démocrate, l’œuvre de la Russie pour indirectement favoriser Trump. Une accusation grave qu’a personnellement rejeté Poutine.
Une deuxième vague de publication de documents internes au Parti démocrate est lancée par Wikileaks en fin de campagne. Du côté américain, les autorités publient le 7 octobre un communiqué mettant en cause la Russie dans la tentative de déstabilisation du processus électoral.
Les choses sérieuses commencent à partir du 8 novembre, date de l’élection de Trump à la Maison Blanche. Devant l’insistance de plusieurs sénateurs démocrates, Obama commande un rapport au renseignement sur l’implication russe dans la campagne électorale américaine. Les documents déclassifiés et leur lecture par les différentes agences et le FBI mettent en cause la responsabilité de Poutine et sa volonté de favoriser le candidat Trump, plus en adéquation avec la vision géopolitique du Kremlin que sa rivale Clinton. La réponse (via Twitter) du Président élu républicain pointe du doigt des individus isolés ou même la Chine mais nie tout implication de la Russie. Dans la foulée, Barack Obama annonce une série de représailles contre la Russie le 29 décembre.
Début janvier, le fameux rapport est remis à Donald Trump. Son contenu s’avère extrêmement sensible pour le milliardaire avec la présence d’informations compromettantes recueillies par les services russes. Un coup dur pour le nouveau Président qui contre-attaque en dénigrant le travail des agences de renseignement. Une attitude trouble qui motive la presse américaine à enquêter plus profondément sur les relations de l’équipe Trump avec la Russie.
L’équipe du Président fait montre d’un amateurisme certain. Le conseiller à la sécurité nationale Michael Flynn doit démissionner le 13 février après avoir déclaré devant le Congrès avoir eu des discussions avec l’ambassadeur russe aux Etats-Unis alors qu’il n’était pas encore en fonction. Deux semaines plus tard, c’est le ministre de la Justice qui se récuse dans l’enquête russe après avoir été, lui aussi, pris à défaut dans ses déclarations.
Le 20 mars, le directeur du FBI vient confirmer devant le Sénat l’existence d’une enquête sur la collusion entre des officiels russes et l’équipe de campagne de Donald Trump tout en confirmant l’absence de preuves d’écoutes effectuées par Obama sur Trump.

L’ombre du Watergate

L’épisode rappelle l’un des grands scandales politiques de l’Histoire américaine : le Watergate. Celui-ci avait vu Richard Nixon, alors Président des Etats-Unis, démissionner à l’été 1974 après avoir limogé le procureur indépendant qui enquêtait sur le scandale au centre duquel se trouvait le Président. Ce-dernier était alors menacé par une procédure d’impeachment, le Sénat ayant ouvert la voie à un procès en destitution.
Bien qu’actuellement l’affaire n’en soit qu’à ses balbutiements, le spectre d’une telle déflagration politique ravive les espoirs des opposants de Trump de le voir chuter.
De son côté, la Maison Blanche tente tant bien que mal de noyer le poisson, de manière très maladroite. D’abord, le ministre adjoint de la Justice, Rod Rosenstein publie un mémo de deux pages, centré sur la mauvaise gestion par James Comey de l’enquête consacrée à l’utilisation par Hillary Clinton de son serveur privé lorsqu’elle était à la tête de la diplomatie américaine. Une façon de rappeler que la décision arbitraire de Donald Trump faisait partie de ses prérogatives de Président et qu’elle était justement motivée. Dans un second temps, jeudi, le Président accepte d’être interviewé par NBC pour expliquer sa décision de limoger Comey. Contre toute-attente, il contredit ses conseillers en argumentant que l’éviction est la réponse à l’enquête sur les liens présumés de ses collaborateurs avec des officiels russes, une théorie soutenue depuis le départ par les médias américains. Néanmoins, il élude tout rapport direct avec sa personne, qualifiant la possibilité d’interférence de la Russie dans la campagne électorale d’« horrible », bien qu’elle ait été vérifiée par les renseignements américains.
Les révélations continuent lorsqu’il révèle l’existence de conversations entre lui et James Comey lors desquelles le Président des Etats-Unis interrogeait le directeur du FBI sur l’existence d’une enquête le visant. Lorsque l’on sait que le directeur du FBI est nommé par le Président et que Comey souhaitait visiblement le rester, il semble que ce statut puisse avoir été un moyen de pression pour Trump.
Dans une série de tweets vendredi matin, Donald Trump a semble-t-il « menacé » James Comey si celui-ci se risquait à faire des révélations à la presse suite à son limogeage. Interrogé sur ce message surprenant de la part d’un Président, le porte-parole Sean Spicer a botté en touche en intimant les journalistes à se référer aux tweets de son patron.
Rédacteur : Simon Brenot

Mis à jour le 27 août 2017